Avec l’arrivée des turcs en Anatolie, les arméniens furent sous la domination des ottomans durant plus de huit siècles. Au courant de la seconde moitié du XIXème siècle, ils commencèrent à se soulever contre cette autorité. Influencés par les mouvements nationalistes issues de la Révolution française, les arméniens ont pris exemple sur les évènements des Balkans. Ayant ouvertement fait part de leur volonté de rompre avec l’Empire ottoman, ils ont notamment collaboré avec les russes lors de la guerre de 1877-1878. Les traités de San Stefano et de Berlin furent signés à l’issue de ce conflit, c’est dans ces textes que fut porté pour la première fois sur le devant de la scène international la « question arménienne ».
À partir de cette date, les puissances impérialistes à l’instar de l’Angleterre et de la Russie chercheront à démanteler l’Empire Ottoman en faisant monter les arméniens contre les turcs. Créer vers la fin des années 1880 les groupuscules arméniens Dachnak et Hunchak ont été à la base de plusieurs protestations et de révoltes notamment à l’est de l’Anatolie. Les villes de Van, Bitlis, Erzurum ont connues de forte agitation et c’est ici que ces mouvement on gagné en ampleur. De la sorte que, en 1890, ces mouvement contestataire ont gagné la capitale et même Trabzon en 1895. En 1890, à Istanbul
Les émeutes de 1890, dans le quartier Kumkapı d’Istanbul étaient en réalité une campagne de révolte arméniens visant à attirer l’intérêt de l’opinion publique européenne. En effet, ils cherchaient à mêler les États européens dans les affaires de l’Empire à travers la propagande « les turcs massacrent les chrétiens ». Cette désinformation a été utilisée auparavant dans les Balkans lors des insurrections chrétienne pour leur émancipation. De cette façon, les arméniens prévoyaient que les communautés chrétiennes de l’est de l’Empire seront secourues. Ils pensaient ainsi qu’ils seront libérés du joug des Turcs, en instituant leur propre État pour la première fois de leur histoire. En lien avec ces révoltes, les arméniens n’ont cessé de protester en maintenant au devant de la scène leurs volontés qui aboutiront au XXème siècle
Nous chercherons dans cette étude de commenter la procédure judicaire issus des évènements de 1895 de Trabzon et d’analyser les témoignages au travers d’une étude socio-psychologique.
D’après les annuaires et recensement établi, vers la fin du XIXème siècle, sans distinction ethnique ou religieuse, la communauté arménienne constituaient environ 7% de la population Ottomane. La province de Trabzon, qui figure parmi l’une des plus vaste en Anatolie accueillait avec seulement 4% de la population, le plus faible taux. Ce recensement a été établi sans considération religieuse ou ethnique. De plus, un autre document, daté du 18 octobre 1893 fait part d’une étude plus détaillée. Ainsi, dans un télégramme envoyé par le gouverneur Kadri Bey au ministère de l’Intérieur, on dénombre 22.681 arméniens (hommes et femmes) dans la province, dont 6.000 qui vivaient dans la ville de Trabzon. Les province de Canik et de Gümüşhane comptait respectivement 18.174 et 1.494 individu sexes confondu. Ainsi, on comptait 42.394 personnes de descendance arménienne.
Bien que numériquement très faible, les arméniens de Trabzon se sont assez vite rapproché des mouvements illégales comme le Hinchak et le Dachnak opérant sur l’ensemble du territoire Ottoman. Vers 1895, ces groupes faisaient parler d’elles du fait de leurs attaques. Étant une ville portuaire, la ville de Trabzon avait l’avantage de recevoir des migrants tant des provinces ottomanes que de l’étrangers surtout de la Russie. Ainsi, ils ont assez bien utilisé cette ouverture tant, en ce qui concerne les voies communications, que de transport, qui étaient autorisé par les capitulations. En bref, c’était de cette ville que ces groupes puisaient leurs forces. De plus, c’était par cette ville que les revues et les cadres de ces organisations entraient et sortaient du territoire. Ces personnes là passaient assez régulièrement par la ville afin de remonter encore plus leurs camarades. Depuis le début des années1890, ces groupes s’étaient assez bien développés et organisé dans cette ville. Un dénommé Marmaryan, salarié au consulat d’Autriche semble être la personne clé qui coordonnes les actions cité antérieurement. À la suite, des enquêtes menée par la préfecture et les forces de l’ordre, cette cellule terroriste fut mise au jour.
Les membres de cette cellule furent jugés au Tribunal d’Istinaf (équivalent de cour d’appel) et condamné a de diverses peines. Ainsi, le leader fut condamné à la peine capitale, 4 personnes condamnées à perpétuité et 22 autres à 15 ans de prisons.
Ces précautions n’ont pas pu empêcher l’expansion des organisations terroristes arméniennes à Trabzon. En 1895, arméniens ont pris d’assaut plusieurs lieux Trabzon comme dans d’autres villes du pays. Les membres de ces organisations ont utilisé diverses formes de violence y compris des assassinats et des meurtres. Leur stratégie visait a inspirer la méfiance tant au sein qu’a l’extérieur de la communauté. Leur but était de rallier tous les arméniens autour de cette même cause, pour cela ils menaçaient par la mort Il s’agissait d’effrayer ceux qui ne soutenaient pas l’organisation voire les intimider par la mort (Karacakaya, 2006: 15-16). Par conséquent, ils se constituaient une importante ressource humaine et parvenaient à l’unir par la force ces individus tout en affaiblissant leur rattachement à leur État. Dans ce processus, les enseignants et les prêtres ont joué un rôle crucial. Les assassinats perpétré contre des personnalité en dehors de la communauté visaient essentiellement des hauts dirigent étatique. De même, par ces meurtres, l’objectif était non seulement de motiver les partisans mais aussi attirer l’opinion internationale sur les événements. Face à la détérioration de l’ordre public, le plus important objectif était d’inciter l’opinion publique européenne sur la question sous le slogan “les turcs massacrent les arméniens” afin de faciliter une intervention étrangère. En fait, ce processus visait à provoquer l’ingérence des pays garants de l’article 61 du traité de Berlin de 1878 relatifs à cette problématique.
Les évènements d’octobre 1895 à Trabzon n’étaient donc guère différente de ces révoltes.
Le 20 Septembre (2 Octobre 1895) l’ancien gouverneur de Van Bahri Pasha arpentait la rue d’« Uzun sokak » en compagnie d’Ahmed Hamdi Pasha, commandant de la division de Trabzon, ainsi que le diplomate iranien Rahmi Han, Hacı Ömer Efendi directeur des postes et télégraphes et le colonel Süleyman Bey, furent attaqués par deux terroriste arméniens.
Suite à cette tentative d’assassinat, Bahri Pasha fut bléssé à la hanche alors que Hamdi Pasha fut touché au pied. Les deux terroristes furent capturés mais leurs complices ont réussit à prendre la fuite. Deux jours plus tard, Haçik le fils du coiffeur Stephan, qui était d’ailleurs recherché par la police fut aperçu à Ayavasil et torturé par quelques musulmans témoins à cet incident. Cependant, cet individu a ouvert le feu sur la foule ce qui causa la mort de Rahmi Efendi, un musulman qui est s’était rendu sur les lieux en raison des coup de feu.
La succession de ces événements a causé la protestation populaire des habitants. Les rues se remplissaient en réponse à ces attaques. De même, en campagne une rumeur prétendant que “les arméniens ont pris d’assaut le siège du gouvernement et qu’ils ont tué le gouverneur” s’était propagé assez rapidement. Par conséquents, les musulmans se sont déplacés en grand nombre dans les villes.
A la suite de ces attaques, les forces de l’ordre ont pris de nouvelles mesures visant à fournir une protection plus efficace pour les haut-dignitaires de même qu’ils ont essayé d’apaiser la masse de citoyens protestant ces attaques. Le fait que les meurtriers ne soient pas retrouvés, de même que l’indifférence des dignitaires arméniens, à l’image de Mesrob, représentant de Marhasa, ont créé un environnement assez tendu au sein de la populations. Des événements similaires ont eu lieu à Istanbul, ils ont aussi accru les agitations sociales.
Au sein de la population, les frictions étaient de plus en plus présentes, les arméniens se sont peu à peu armé, ils préféraient ne pas ouvrir leurs commerces et ils commencèrent à se constituer en groupes. Ceux qui habitaient en campagne s’établissaient en ville et ouvraient conjointement à ceux qui étaient déjà sur les lieux. Cette agitation n’était guère bon signe car ont à senti que quelque chose se préparait. Le 26 septembre, lorsque le gouverneur et le maire ont décidé de rétablir l’ordre parmi les sujets musulmans et chrétiens, vers les coups de cinq heures, des coups de feu on retentit de l’est de la place. Certains arméniens qui avaient pris le risque de mourir ont subitement attaqué les policiers et la population. Cette attaque a fait deux morts et cinq blessés parmi les musulmans. Cet événement a causé la colère des musulmans et des grecs présents sur la place. La situation qui a dégénéré n’a pu être mater et contrôlé qu’aux environs de 21 heure.
Le lendemain de cette attaque, le bilan a été dressé ; il y avait 182 morts et 18 blessés du côté arméniens, et 11 morts et 25 blessés parmi les musulmans.
Lorsque ces événements s’estompaient, les arméniens qui se sont cloisonné chez eux, dans leurs commerces ont été placé sous la protection des militaires et des responsables civiles. Ils ont été logés dans les casernes et l’État leur a fournit leur besoin durant cette période. Le calme revenu, les suspects et les récidivistes furent livrés à la justice (au tribunal Dîvân-ı Harb), les autres ont pu regagner leur résidence et leurs commerces. Les étrangers demandant l’asile lors des événements furent également transportés à leur domicile. Des mesures ont été prises durant les incidents afin d’éviter toute attaque contre les consulats, les écoles, les lieux de culte et les logements des étrangers.
Avec le rétablissement de l’ordre public, des enquêtes ont été mené pour trouver les responsables de ces insurrections. La venue de certains arméniens par un bateau autrichien venant d’Istanbul à l’aube du jour de l’attaque et la distribution des lettres ont été considéré comme un facteur déclencheur par les enquêteurs. Il est évident que cette attaque fut minutieusement préparée à l’avance, car ce jour là, les commerçants arméniens n’ont pas ouvert leur boutique, ceux qui habitaient en campagne étaient descendus en ville et il y a eu des tires émanant de plusieurs endroits en même temps.
À la suite de l’incident de Trabzon, des événements ont aussi eu lieux à Gümüşhane. Toutefois ces incidents furent apaisés, les arméniens qui s’étaient réfugié dans les églises ont été renvoyés dans leur localité. Leurs armes et les autres biens dont ils ont disposé furent confisqués.
Les incidents de Trabzon ont obligé le gouverneur à établir l’état d’urgence et il à informé la Sublime Porte de cette décision. En accords avec les directives issus de la capitale, la priorité a été d’indemniser les victimes et de punir les auteurs de ces troubles. Concernant ce processus, il existe une étude scientifique publié par la municipalité de Trabzon et qui reproduit des document d’archives (avril 2007) des informations relatant la dimension sociologique de cet événement (Bilgin ve diğerleri, 2007: 31-32) :
“Un pasteur fut inculpé en raison des événements survenus à Trabzon, il a avoué que Doğramacı Manuk et Kirkor, un enseignant, étaient les provocateurs de ces émeutes. Dans la résidence de Manuk, plusieurs armes, d’outils de fabrication de cartouche, des cachets des organisations terroristes arméniennes, de nombreux journaux interdits, ainsi que des documents retraçant des correspondances entre Merzifon Erzincan et Trabzon ont été découvert.
Les lettres codées, saisies dans le domicile de Manuk Tatosyan, mettent au jour les éléments de preuves concernant les plans de l’organisation des révoltes en Anatolie. La grande majorité des correspondances contiennent des informations la situation concernant l’acheminement des journaux, les besoins en armement, en poudres et en cartouches, des instructions relatives au codage des lettres, à l’importance de l’utilisation des noms de code et à la fabrication de dynamites. Ils y au aussi des information concernant l’état des personnes en prison et les aides financière et de renseignement.
Au cours du procès, de nombreux prévenus ont affirmé que Artin Şahrikyan était le responsable et l’organisateur de ces événements
(Bilgin ve diğerleri, 2007:31).
Le point le plus intéressant dans le cas Artin Şahrikyan est de voir qu’il existe une structure hiérarchique dont il est le chef. Le fait de diriger des foules pouvant se sacrifier pour sauver des barricades et les guider tout au long de leur activité nécessite un certain entrainement de même que leur leader doit avoir une supériorité pour les diriger dans le sens de leur objectifs (Le Bon, 2001: 86). Il ressort du cas des événements de Trabzon de 1895 que, les constats des théoriciens de la psychologie de masse furent exécutés amplement par Artin Şahrikyan.
Afin de prendre des précaution à la suite de évènement de 1895 de Trabzon et la l’établissement de l’état d’urgence, une cour martiale furent instauré selon les instruction d’Istanbul. La cour est présidée par le Générale Salih Pasha.
Plusieurs Arméniens ont reconnu lors des audiences que Artin Şahrikyan et ses amis furent à l’origine des attaques (Bilgin ve diğerleri, 2007: 31). Arabyan Hacı Mardiros Efendi fut l’un des suspects arrêtés et interrogés par le tribunal. Celui-ci fit des déclarations importantes à la cour : « un soir aux environs d’une heure du matin en plein mois d’Août, deux hommes armés membres du comité Arménien de Trabzon, l’un assez grand et l’autre barbu de courte taille sont venue chez moi à Zefanos. Ils ont affirmé être envoyés par le Comité Révolutionnaire Arménienne. Ils m’ont remis une lettre aux écritures rouge avec le cachet de la communauté. Cette lettre exigeait le paiement d’une somme de 600 livres pour subvenir au besoin du comité. Ces hommes partirent ensuite chez Gayzak ». Arabyan Hacı Mardiros Efendi déclara qu’à la suite de cette visite il se sont protégés et ne sont pas sortis de chez eux. Il a affirmé que lorsqu’il s’est rendu en ville, un arménien masqué est venu chez lui pour lui demander à nouveau le paiement des 600 livres. N’ayant pas envoyé la somme exigée, ils ont reçu une nouvelle lettre exigeant la somme et le menaçant à mort dans le cas contraire.
Arabyan Hacı Mardiros Efendi a informé le consulat britannique de la situation, mais les autorités gouvernementales n’ont pas été mises au courant. De même, plusieurs arméniens n’avaient pas signalé au gouvernement les exactions commises par ces comités car ils avaient peur de ces comités. En outre, certains arméniens ont évité de parler sur ces évènements car ils ont eu peur des menaces de ces organisations terroristes (Çulcu, 1990: 61).
Lorsque l’on examine les rapports judiciaires, il ressort que la plus part des arméniens arrêtés ont adopté un comportement qui consistait à faire comme s’il ne savaient rien et qu’il n’avaient aucun comportement anormale. Toutefois, lorsque leur participation dans ces organisations ont été démontrée, ils ont avoué et divulgué toutes les informations dont ils disposaient.
Suite aux procès des événements de 1895 de Trabzon, ceux dont les crimes furent prouvés à l’instar de Papaz Vahan, Koçyan, Armanak, Haçik et Misak ont été condamnés à la peine de mort, Setrak et Mertad quant à eux furent condamnés respectivement à 15 et à 10 ans de prison. En outre, plusieurs militaires et agents civiles furent condamnés à des diverses peines pour leur implication dans les événements.
Conformément à l’article 58 du code pénale Ottoman (Mülkiye Ceza Kanunname-i Hümayunu), 28 arméniens impliqués dans les événements de 1895 furent jugés au tribunal militaire, 5 autres condamnées à mort, 2 condamnées aux travaux forcés, 5 acquittées et 16 personnes ont été renvoyés car leur dossiers était incomplets. Toutefois la peine de mort n’a pas été appliquée du fait d’une demande émanant de la province de Trabzon. En effet, les autorités locales craignaient que leurs exécutions soient la source d’un nouveau conflit entre les deux communautés. Ainsi, le Grand Vizir Kamil Pasha, a adressé une demande auprès du Sultan le 25 Novembre 1895. Il a demandé que la peine de mort soit levée. Le souverain l’a accepté quelques jours plus tard.
Avec une analyse de fond, nous apprenons que ces évènements ont été organisés par des prêtres et des enseignants. Étant les deux principale institutions permettant de guider et de convaincre les arméniens, les comités arménien ont assez souvant utilisé cette voie pour convaincre les personne de rejoindre leur cause. On peu dire que le nationalisme et l’opposition à l’Empire ont été causés par ces deux corps que sont les prêtres et les enseignants.
La violence entreprise par les rebelles a été l’un des éléments les plus importants dans ces événements afin de rallier l’ensemble de la communauté arménienne. Les violences et les menaces faite au sein de cette communauté restent assez impressionnante. D’autant plus que ces pratiques ont affaiblit ou même voire la rompu les liens les rattachant à l’État Ottoman.
Dans leurs témoignages au tribunal, les suspects utilisaient des réponses brèves aux accusations pesant contre eux. Cette méthode de répondre “non” tout simplement a pu être le résultat d’une formation fournit par les comités. Leur volonté et leur détermination à nier ces accusations peu certainement être dû à leurs espoirs d’être acquittés par l’État à travers les pressions des missions diplomatiques étrangères. L’acquittement de certains arméniens mêlés dans des activités secrètes destinées à troubler l’ordre public, fut une motivation pour les arméniens impliqués dans les événements de Trabzon.
Certains de ces arméniens ont cherché à échapper à des condamnations en prétextant des divisions confessionnelles au sein de la communauté. Pour duper la cour, ils ont assez utilisé l’argument de leur exclusion de la communauté en affirmant leur conversion au protestantisme.
Il ressort des rapports de la cour que les exactions entreprises par les arméniens ont surtout visé l’intensification des pressions étrangères. Ces derniers ont tous des ambitions concernant le futur de l’Empire. Ils prévoyant notamment le partage de certaine zones. A partir de là, on peut affirmer que les arméniens ont disposé d’un important soutient étranger pour parvenir à leur fins politiques.
[1] Hüseyin Nazım Paşa, 2003: 160-169; Halaçoğlu, 2005; Çiçek, 2000; Şahin, 2006: 123-140; Halaçoğlu, 2003: 28-46; Keskin, 2007: 597-610; Bilgin ve diğerleri, 2007: 24-32.
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