Dans les livres scolaires d’Histoire arméniens, les premiers passages relatant les rencontres initiales entre les arméniens et les turcs, les turcs et les européens ou autres civilisations sont généralement d’ordre négatif, en sachant que ces rencontres ont été le fruit de différentes guerres. Dans cette présentation péjorative les turcs sont définis souvent comme « des envahisseurs, sauvages, barbares, un peuple qui détruit et qui est sans pitié [1]».
Selon les ouvrages d’Histoire turcs, il est noté qu’avant la période de l’Empire Ottoman, les premières relations avec les arméniens datent de l’époque Selçuklu. Il est possible de parler, d’après certaines sources, qu’une relation diplomatique antérieure existait avec les arméniens lors de l’époque des Huns. Par ailleurs, il est possible de relater une autre rencontre par le biais des turcs présents dans les armées des Kipchaks et des Abassi qui ont envahi l’Arménie. Cependant, les premières relations durables entre les turcs et les arméniens remontent à l’époque des Selçuklu, dans les année 1015-1020, avec l’expédition de découverte organisée en Anatolie de l’Est par l’Empereur Selçuklu de l’époque qui était Cagri Bey (Yıldırım, 2007, s.11-12[2]).
Il est possible de dire que la présentation de la période pré-ottomane dans les ouvrages d’Histoire arméniens et turcs est assez parallèle dans les grands traits[3].
En effet, le titre donné dans les oeuvres scolaires à la première rencontre entre turcs et arméniens est comme suivant : « l’invasion des turcs Selçuklu » (Սելջուկ-Թուրքերի Արշավանքները – Selçuk-Turkeri Arşavanknerı) (7ème classe, 2009, s.125). Les origines des Selçuklu sont présentées sous cet entête comme un peuple nomade venant du Nord de la Chine et de l’Asie Centrale, vivant de l’élevage. Au paragraphe suivant, il est noté qu les turcs Selçuklu se sont rapprochés des frontières arméniennes au début du XIème siècle, avec la conquête de l’Iran (classe 7, 2009, s.125).
Comme nous pouvons le comprendre par le titre donné à ce chapitre, « l’invasion des turcs Selçuklu », le mot « envahisseur » revient souvent pour désigner les turcs. Sur la même page racontant les relations turco-arméniennes, les turcs sont cette fois-ci identifiés à travers leurs attaques soudaines : « en 1047, les turcs de Selçuklu ont attaqués l’Arménie pour la première fois avec une armée de 20000 personnes » (7. Sınıf, 2009, s.125.) a la suite de ce paragraphe, la phrase suivante est employée « cette invasion s’est propagée jusqu’à Vaspurakan et la zone de Basen », où nous voyons clairement que le mot « invasion » a remplacé le mot « attaque » (7. Sınıf, 2009, s.125).[4]
Lorsqu’on se penche de façon générale sur l’explication des relations turco-arméniennes lors de la période des Selçuklu dans les livres d’Histoire à vocation scolaire, on voit que sont employés des termes majoritairement à connotation péjorative, comme « envahisseur, attaquant, ennemi, celui qui détruit » (7. Sınıf, 2009, s.125).
L’autre stéréotype utilisé dans la représentation des relations turco-arméniennes jusque la période de l’Empire Ottoman, est le fait que les arméniens sont présentés comme des victimes. Cet exposé dans les livres d’Histoire, ne rend pas responsables uniquement les turcs « envahisseurs » dans cette victimisation des arméniens, mais aussi l’Empire Byzantin n’ayant pas proposé son aide. Il est à noter que cette double victimisation est présentée dans ses détails dans les livres d’Histoire de la septième classe (7. Sınıf, 2009, s.125).
Dans ces fameux livres d’Histoire arméniens, il est possible de dire que conjointement à l’image négative des turcs présentée comme expliqué précédemment, l’image de Byzance n’est pas différente, étant négative et marginalisante. Par exemple, dans les livres scolaires de la septième classe, les termes péjoratifs employés décrivant les Byzantins sont comme suit : « peureux, qui se cachent, incompatibles, perdants » (7. Sınıf, 2009, s.125).
Dans la partie décrivant les relations entre arméniens et Selçuklus, parallèlement au stéréotype de victime, figurent des annotations de « héros » au premier plan. Dans ce chapitre sont expliqués « la pression intolérable des turcs », et par conséquent la résistance exemplaire des arméniens, ainsi que le courage des soldats arméniens, leur fierté, et leur supériorité physique en comparaison avec les soldats turcs (7. Sınıf, 2009, s.125).
Un autre chapitre exposé dans les livres d’Histoire arméniens reprenant la période des Selçuklu, est intitulé « L’invasion de l’Arménie » (Հայաստանի նվաճումը – Hayastani Nvacumı). L’analyse des termes utilisés dans ce chapitre démontrent des annotations péjoratives sur les turcs, mais aussi donne l’impression que les Byzantins sont critiqués ; ils sont accusés d’avoir facilité la conquête des terres par les turcs (7. Sınıf, 2009, s.126.).
Un autre sujet exposé dans les livres scolaires d’Histoire arméniens, où des annotations négatives figurent sur les turcs de Selçuklu, est la Bataille de Manzikert en 1071. Alors que la Bataille de Manzikert, opposant le Grand Empereur des Selçuklu, Alparslan, et l’empereur Romain IV Diogène (Turan, 1969, s.197), est enregistrée dans l’Histoire turque comme un stéréotype de la bravoure et de la victoire, elle est présentée dans l’Histoire Arménienne comme une « tragédie, une perte, une défaite, une destruction, une conquête » (7. Sınıf, 2009, s.126).
L’exposé de l’Antiquité dans les ouvrages scolaires d’Histoire ne présente pas de termes péjoratifs concernant la description des turcs. Cependant, il est clair que dans la présentation des relations turco-arméniennes pendant la période des Selçuklu, les turcs sont désignés directement comme des « envahisseurs » et que les connotations négatives sont plus visibles :
« …suite à l’invasion des turcs Selçuklu, l’agriculture arménienne a subit de graves problèmes. Des villes ont été particulièrement touchées. Une diminution a été notée dans les secteurs du commerce international et de la maîtrise. Les princes arméniens le peuple libres ont été privés de leurs propres terres. Le Ayrudz arménien [les unités de cavalerie] ont été perdues au fil du temps dans les pays lointains. Une grande partie des arméniens a quitté l’Arménie à cause des luttes incessantes et de la perte économique. Les arméniens ont commencé à se disperser, ou bien à s’installer dans les pays voisins, plus particulièrement à l’intérieur de Byzance, de la Petite Arménie, de la Cilicie et de la Cappadoce… » (7. Sınıf, 2009, s.126).*
Il est à noter que parallèlement aux termes péjoratifs employés pour les turcs dans les exposés historiques relatant la relation entre arméniens et turcs du Selçuklu, le mot « catastrophe » est également employé. Une victimisation des arméniens est au premier plan dans ces récits historiques qui accusent les guerres avec l’Empire Selçuklu d’être responsables du départ des leaders religieux de l’Arménie, de la chute économique du pays dans ce contexte de conflit, et surtout de la dispersion de la population arménienne :
« …les catastrophes tombées sur l’Arménie ont eu des conséquences graves sur le trône du Catholicosat. Les patriarches arméniens qui ont été entraînés dans une incertitude politique se déplaçaient d’un point à l’autre sans avoir de domiciliation régulière. Par conséquent, le leader spirituel de l’église arménienne vivait loin de sa patrie dans différentes villes de la Petite Asie, jusqu’à ce qu’il s’installe en Cilicie… » (7. Sınıf, 2009, s.126).
Un autre grand titre dans les ouvrages d’Histoire scolaires concernant les informations données sur les turcs jusqu’à la période Ottomane, est « l’Apparition des Mongols en Arménie » (մոնղոլների հայտնվելը Յայաստանում – Monğolneri Haytnvelı Hayastanum).
Dans ce chapitre reprenant la période entre les années 1206-1294, les mongols sont expliqués comme suit :
« …les tribus mongoles connues aussi sous le nom des Tatars, vivaient depuis de longues années dans les larges steppes de la Chine et en Sibérie. A partir du XIIIème siècle
, les tribus nomades ont été regroupées sous un même Etat contrôlé par Cengiz Han. Ces tribus mongoles dirigées par lui, sont passées à l’attaque et ont rapidement conquis de grandes terres. Ils prenaient en main les pays voisins, faisaient disparaître la population et détruisaient les habitacles. Les historiens se souvenaient des atrocités faites par les mongols avec peur et effroi… » (7. Sınıf, 2009, s.133).
Il est possible de dire que le récit des mongols dans les livres d’Histoire scolaires a une part plus importante que le récit des Selçuklu. Conjointement aux qualifications de destructeurs et de pilleurs concernant les mongols, la résistance des arméniens dans la lutte contre les mongols est soulignée. Il est enregistré que dans cette lutte qui a débuté en 1249, les géorgiens ont aidés et collaborés avec les arméniens, et que celle-ci a duré jusqu’en 1259. Dans ce chapitre, les termes suivants ont été utilisés pou désigner les mongols : « ennemi, étranger, pilleur, destructeur, saccageur » (7. Sınıf, 2009, s.135, 136, 137).
En conclusion, dans ces livres d’Histoire arménienne de 7ème classe, il est expliqué que les arméniens ont vécu sous les règnes de diverses civilisations jusqu’à la période Ottomane, comme les romains, les byzantins ou les arabes, et qu’avec l’arrivée des Selçuklu ils ont vécus d’autres conflits. Une différence d’exposé est vue dans ces livres scolaires concernant les informations sur les turcs, qui sont désignés avec des termes négatifs surtout pendant l’explicitation de la période des Selçuklu, contrairement aux chapitres sur l’Antiquité ; de même le stéréotype de victime arménien est prépondérant sur celui de héros arménien.
Les représentations des relations entre ottomans et arméniens durant l’époque classique dans les livres scolaires se basent sur les révoltes des arméniens, qualifiées de « guerres d’indépendance » contre la gouvernance ottomane[5]. Parmi ces guerres d’indépendance, nous pouvons dire qu’une place particulière est donnée à la guerre Crétoise qui a eu lieu au milieu du XVIIème siècle. Dans le chapitre d’Histoire de la 8ème classe, intitulé ‘la guerre Crétoise et les activités de lutte des peuples citoyens de Turquie » (Կրետեի պատերազմը և թուրքահպատակ ժողովուրդների ազատագրական պայքարի աշխուժացումը – Kretei paterazmı yev Turk’ahpatak Joğovrdneri azatagrakan payk’ari aşkhujatsumı), il est clairement dit que les arméniens ont collaborés avec d’autres pays contre le Gouvernement ottoman. Dans ce cadre, il est expliqué que premièrement la guerre éclatée en l’Empire Ottoman et la République de Venise a donné espoir aux arméniens (8. Sınıf, 2007, s.7). Ainsi, les arméniens ont soutenu les Vénitiens afin que les ottomans perdent cette guerre. Dans ce livre d’Histoire, il est stipulé également que les arméniens ont écris des lettres au Pape et à la République de Venise pour affirmer leur soutien et leur collaboration contre la Gouvernance ottomane (8.Sınıf, 2007, s.7).
Il est nettement dit dans ces ouvrages que les arméniens se sont alliés aux européens dans ce conflit contre les ottomans, que la lutte a été soutenue par la bourgeoisie arménienne, et qu’ils ont donné plusieurs garanties à leurs alliés (8. Sınıf, 2007, s.7).
Dans les activités mises en place contre l’Empire Ottoman, ce ne sont pas que le peuple arménien, politiciens et commerçants qui ont joués un rôle important, mais aussi les religieux. Ce sujet est longuement traité dans les livres d’Histoire où il est dit que les religieux ont essayé de donner une plus grande envergure à la lutte contre les ottomans (8. Sınıf, 2007, s.8).
L’image que les arméniens ont essayé de forger est un point non négligeable dans les relations entre les pays européens et l’Empire Ottoman. En effet, dans lesdits ouvrages il est ouvertement dit que les arméniens ont essayé de fragiliser l’image de l’Empire afin de convaincre les pays européens à collaborer dans la lutte contre l’Empire Ottoman (8. Sınıf, 2007, s.8). Les informations figurant dans ces livres scolaires concernant cette lutte diplomatique qui s’est terminée avec une grande collaboration entre les arméniens et les pays européens attirent l’attention (8. Sınıf, 2007, s.8).
Une autre lutte des arméniens envers les ottomans est l’expansion du Mouvement « d’Artsakh », expliqué dans les livres d’Histoire traitant de l’Epoque Classique (Շարժման ծավալումը Արցախում – Şarjman Tzavalumı Artsakhum). Cette lutte qui s’est déroulée pendant le XVIIIème siècle à Karabakh est enregistrée dans l’Histoire arménienne comme « la résistance la plus durable et organisée » (11. Sınıf, 2010, s.12).
La lutte d’Artsakh est importante du point de vue de l’aide que les arméniens ont demandé à la Russie et à l’Iran, et de la compréhension du soutien qu’ils ont reçu à ce sujet. En effet, un thème qui revient souvent est l’intégration de pays tiers dans les luttes engagées par les arméniens contre les turcs (11. Sınıf, 2010, s.13).
Une autre guerre importante enregistrée en Epoque Classique entre les arméniens et les ottomans est sans doute le siège de la Tour de Halidzor. Effectivement nous pouvons dire que ce sujet est traité de façon plus longue dans les livres d’Histoire. Le siège de la Tour de Halidzor démontre particulièrement le soutien d’armes de l’Iran aux arméniens et est donc important de ce point de vue (11. Sınıf, 2010, s.14-15). Les commandements donnés par les commandants arméniens aux soldats lors de ce siège sont assez remarquables. En effet, il est à noter que les commandants Mkhitar et Ter-Avetis employaient le mot « la mort » pour désigner les turcs (11. Sınıf, 2010, s.14-15).
Il a été expliqué plus haut que les arméniens ont demandé plusieurs fois l’aide de pays tiers dans la lutte contre les ottomans, et que sur un plan général ces demandes ont toujours reçues une réponse positive. Ce sujet est repris dans les livres scolaires de la onzième classe (11. Sınıf, 2010, s.16).
Les sujets traités dans les livres scolaires d’Histoire arménienne concernant l’Epoque Classique, démontrent une collaboration historique entre les peuples iraniens et arméniens contre les turcs. Cette collaboration marquée par la différence de religion entre ces deux peuples est soulignée clairement dans les livres scolaires (11. Sınıf, 2010, s.16). Il est stipulé que le soutien donné par les arméniens à l’Iran et aux pays tiers leur aurait permis la plupart du temps d’obtenir de bons résultats stratégiques. Par exemple, le soutien donné à l’armée iranienne par les arméniens lui aurait permis de prendre en main le contrôle au Sud Caucasien (11. Sınıf, 2010, s.17).
Conjointement à la Russie et à l’Iran, la Géorgie fait partie des pays sollicités par les arméniens dans la lutte contre les turcs. Il est expliqué qu’au milieu du XVIII siècle, les arméniens ont recherché de l’aide chez les géorgiens et que Hovsep Emin, qui était l’un des plus importants diplomates arméniens de l’époque, a fait un travail intensif pour concrétiser cette alliance (11. Sınıf, 2010, s.19).
Les récits figurants dans les livres scolaires d’Histoire se forgent autour du thème des Amiras lorsqu’on atteint le XVIIIème siècle. Soulignant le fait qu’au XVIIIème siècle, le Patriarcat Arménien d’Istanbul a atteint sa stabilité, Bournoutian (2005, s.190), explique que ce développement n’est pas le fait d’un hasard mais que les Amirats représentant la classe sociale supérieure des arméniens d’Istanbul y auraient joué un rôle important. Selon l’écrivain, les Amiras se sont renforcés grâce aux crédits ouverts aux hauts statutaires du Gouvernement Ottoman ; de plus, certains Amiras riches ont eu un pouvoir non négligeable en prêtant de l’argent au Sultan même.
Dans les ouvrages scolaires arméniens, la cohabitation turco-arménienne est mise au second plan, et l’accent est mis sur la démarche de soutien des arméniens aux ennemis de l’Empire Ottoman dans la géographie de l’actuelle Arménie. A cette occasion, le message qu’ils essayent de donner est que la résistance arménienne a joué un rôle important dans l’affaiblissement de l’Empire Ottoman (8. Sınıf, 2007, s.7).
La perception prépondérante dans les livres scolaires d’Histoire est l’alliance perpétuelle des pays européens avec l’Arménie contre l’Empire Ottoman et pour son indépendance (8. Sınıf, 2007, s.7). Sujet non secret, le traitement du problème arménien est généralement suivi du lien fait avec la problématique de l’Est, et où les pays européens intègrent la discussion, ce qui porte le sujet sur un plan international (Uras, s.174-175, 180-196, Şimşir, 2005, s.47-59). Les livres scolaires arméniens traitent plus particulièrement de ce sujet, en donnant des indices sur la manière d’intégration des pays européens dans la discussion de ce problème. Le thème de l’aide recherchée auprès des pays européens pour la libération, et que très souvent cette aide n’aurait pas été trouvée est souligné dans les ouvrages scolaires arméniens. Par exemple, nous pouvons lire que les politiciens arméniens ont essayé d’intégrer les pays d’Europe à leur lutte contre l’Empire Ottoman (11. Sınıf, 2010, s.6).
Il est important de dire que dans ces ouvrages scolaires, les auteurs arméniens ne prennent pas uniquement en main les relations de conflits, de paix et de négociations des turcs avec les arméniens, mais élargissent le sujet à la relation qu’entretiennent les turcs avec les autres pays. Parmi ces pays, l’Iran a la première place, notamment du fait de sa géographie mais aussi des relations avec l’Arménie. Dans le livre d’Histoire de la onzième classe, il est clairement souligné dans le chapitre intitulé « L’invasion des soldats turcs » (Թուրքական Զորքերի Ներխուժումը – Turkakan Zorkeri Nerkhujumı), que les iraniens ont été contents de l’affaiblissement de l’Empire Ottoman (11. Sınıf, 2010, s.10).
L’image turco-ottomane avant le XIXième siècle et celle du XIXème siècle ne présentent pas beaucoup de différence. Dans ce cadre là, il est vu que dans l’ouvrage de la onzième classe, les relations turco-arménienne durant l’Epoque Classique de l’Empire Ottoman, l’image des turcs est décrite avec des termes comme « envahisseur, oppresseur, attaquant, raiders » (11. Sınıf, 2010, s.12).
Dans les livres scolaires arméniens d’Histoire, l’image des soldats turcs est réduite face à celle des soldats arméniens qualifiés de « guerriers » et de « héros », et cette bravoure aurait été félicitée par les pays tiers intégrés dans cette lutte (11. Sınıf, 2010, s.12).
Il est vu que l’image des turcs dans les livres d’Histoire arménienne est contraire à celle des arméniens. Dans ce cadre là, nous pouvons donner l’exemple de « la brave défense d’Erivan » (Երևանի Հերոսական Պաշտպանությունը – Yerevani Herosakan Paştpanutyunı) qui est le nom donné au chapitre traitant du sujet, et qui montre la « brave lutte » à travers le mot հերոսական (herosakan), c’est-à-dire « bravoure ». L’image de la bravoure est plus détaillée dans ce chapitre où le mot « ennemi » est clairement employé pour les turcs et l’armée turque (11. Sınıf, 2010, s.12).
Pour conclure, dans les livres d’Histoire arménienne traitant de l’Epoque Classique, le stéréotype de « bravoure » est au premier plan. Dans ce passage, les termes utilisés pour décrire le turc/ottoman sont les suivants « ennemi, envahisseur, pilleur, assiégeur, celui qui met sous le joug, oppressant, envahissant, celui qui attaque, celui qui fait le blocus, dictateur, celui qui échoue malgré la supériorité en nombre, celui qui possède une force disproportionnelle, qui bloque, qui fait immigrer, despote, celui qui viole, tyran etc. ». Contrairement à cela, l’image des arméniens est décrite avec les termes suivants : « héros, persévérant, celui qui a un pouvoir surnaturel, religieux, puissant malgré son infériorité en nombre, durable, celui qu’on ne peut pas soumettre avec une arme, défendeur de liberté, celui qui s’arme pour défendre ses droits et ses peuples etc. ». Comme le démontrent les termes utilisés dans les livres scolaires en parlant de cette période, contrairement à l’image du turc/ottoman qui est négative et qui lèse, il y a une image positive et victimisante de l’arménien.
[1] Parmi les sources d’ouvrages reprenant la relation entre les turcs et les arméniens au Moyen-âge, le livre intitulé « les Arméniens » (The Armenians) d’A.E. Redgate, et celui de Razmik Panossian intitulé « Arméniens : des rois et des prêtres aux commerçants et commissaires » (The Armenians: From Kings and Priests to Merchants and Commissars) sont des œuvres importantes. Dans l’œuvre de Redgate, il est clairement expliqué jusque dans les détails l’origine ethnique des arméniens et l’Histoire de celle-ci jusqu’à nos jours, donnant des informations également sur les organisations politiques et religieuses arméniennes au Moyen-âge. Redgate (1998, s.228-230) stipule que l’arrivée des turcs dans la zone de vie des arméniens a tout changé pour ces derniers. Il explique les positions géographiques durant l’Antiquité et le Moyen-âge, tout en démontrant que les arméniens ont été attirés par le mode de vie européen malgré une vie commune avec les peuples de l’Est comme les assyriens, les ourartous, les perses, les arabes et les turcs. Il enregistre que cela n’est pas du uniquement au fait que les arméniens font partie du système indo-européen sur les plans ethniques et linguistiques, mais aussi du fait que les arméniens sont liés à la civilisation européenne et au christianisme de part leurs participations.
[2] Panossian (2006, s.60-61) parle d’une première rencontre durable entre les turcs et les arméniens par le biais d’une invasion, vingt ans après la conquête de l’Arménie par l’Empire Byzantin, avec l’invasion en 1064 d’Ani, et en 1065 de Kars par les Selçuklu.
[3] Un autre ouvrage contenant des informations sur les relations turco-arméniennes à la fin du Moyen-âge est l’œuvre de Dickran Kouymjian, intitulé « l’Arménie, à partir de la destruction de la Royauté de Cilicie (1375) à l’exil forcé de la période d’Abbas Ier Le Grand » (Armenia from the Fall of the Cilician Kingdom (1375) to the Forced Emigration under Shah Abbas (1604)). Kouymjian stipule que la destinée des arméniens entre le dixième siècle et jusque la moitié du vingtième siècle a été liée aux « envahisseurs » turcs venus de l’Asie Centrale, appartenant tous au groupe linguistique turc des Oguz, c’est-à-dire les Selçuklu, les Turkmènes, les Ottomans, les Safevis, ou bien les Azéris. Selon l’auteur, jusqu’au treizième siècle, les arméniens n’ont participé à aucune guerre mais n’ont jamais été en paix non plus.
[4] Ladite zone de Basen citée à propos des relations entre turcs et arméniens pendant l’époque des Selçuklu, est le nom donné auparavant à la partie la plus importante de l’Etat d’Ararat. Cette zone de Basen a été divisée en deux : Basen du Haut et du Bas ; la zone du Basen du Haut avait une frontière avec les terres de la ville de Kars, allant jusqu’à Erzurum dans l’Ouest ; cette zone de Basen est aussi illustrée comme la zone des terres fertiles de l’Arménie (Uras, 1987, s.19-20, Attar, 2007, s.297). Quant à la zone de Vaspurakan, elle représente la partie la plus peuplée par les arméniens, derrière Ararat. Montrée comme la zone la plus grande de « la Grande Arménie », Vaspurakan était un Etat introduisant au sein de ses frontières une grande partie du Lac de Van (Uras, 1987, s.19-20, Attar, 2007, s.298).
[5] La conquête d’Istanbul et la création du Patriarcat Arménien d’Istanbul qui a eu le pouvoir de gestion religieuse des arméniens ottomans, a engendré un problème de pouvoir entre ce Patriarcat d’Istanbul et le centre religieux arménien conventionnel d’Etchmiadzine. Bournoutian (2005, s.187) explique que jusqu’au premier quart du XVIème siècle, Etchmiadzine était hors des frontières ottomanes, dans les terres de l’ennemi voisin, et que c’est pour cette raison que Fatih Sultan Mehmed a instauré le Patriarcat Arménien d’Istanbul reconnu par lui comme l’établissement leader pour les arméniens de la ville et des alentours. La tolérance de Fatih Sultan Mehmed concernant la classe de clergé se trouvant en Iran a favorisé le soutien des autres sultans ottomans qui avaient peur de l’influence d’Etchmiadzine sur les arméniens ottomans, Etchmiadzine qui était à l’intérieur des frontières de l’Empire Perse ; ainsi, lors de leurs conquêtes en Anatolie de l’Est, ils ont rapatriés une grande majorité des arméniens à Istanbul et les ont reliés au Patriarcat d’Istanbul (Bournoutian, 2005, s.187).
Le but du gouvernement Ottoman était de construire une relation de fidélité des arméniens envers l’Empire, et de réduire au minimum l’influence d’Etchmiadzine. Pour cela, vers le milieu du XVIème siècle dans les zones nouvellement conquises comme Erzurum, où une population forte arménienne était présente, des évêchés indépendants d’Istanbul et d’Etchmiadzine ont été créés. Bournoutian (2005, s.187-188) explique que pour ces raisons là, le Patriarcat Arménien d’Istanbul n’a pas eu de pouvoir sur les arméniens stambouliotes au début. A cette période, ces arméniens d’Istanbul se sont appropriés les responsables religieux de diverses églises. Jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, le catholicosat de Sis gouvernait les arméniens de Cilicie, l’Eglise d’Akhtamar gouvernait les arméniens de Van et alentours, et le Patriarcat de Koudous gouvernait quant à lui les arméniens présents sur les terres arabes.
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